George Sand chez François Mauriac

Autour de George Sand


Le 29 juillet j’ai partagé un moment de pur bonheur sandien à Malagar, la propriété de François Mauriac dans le vignoble bordelais.

Quel rapport me direz-vous, entre François Mauriac et George Sand. A priori aucun, je vous l’accorde. Mais le spectacle s’intitulait : « George Sand et l’Aquitaine : m’expliquerez-vous ce que j’éprouve… » et avait donc sa raison d’être dans la demeure d’un écrivain ayant si bien chanté le Bordelais. De plus il s’agissait de nous évoquer la passion d’Aurore, baronne Dudevant, pour le jeune et brillant avocat bordelais, Aurélien de Seize, passion platonique et essentiellement littéraire puisqu’elle fut pour elle l’occasion de recréer, à son usage personnel, La Nouvelle Héloïse, le roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau, quintessence du futur romantisme qui s’y reconnaîtra tout entier et s’y abreuvera avec délectation.

Le spectacle est une conception originale puisqu’il associe avec bonheur trois dimensions : celles de la conférence, du théâtre et de la musique.

Le conférencier c’est Hubert Delpont, qui vient de publier La maman et la putain, l’Amante aux Editions d’Albret et qui avait auparavant magistralement retracé  » la naissance de George Sand  » lors de son séjour à Guillery dans un ouvrage qui vient d’ailleurs d’être réédité. Conteur de grand talent, il tient l’auditoire sous le charme.

Pour illustrer son récit deux comédiennes se donnent la réplique en disant des textes écrits à cette époque par celle qui va devenir George Sand.. Elles incarnent deux George Sand, l’une en robe, qui n’est encore qu’Aurore, et l’autre en costume masculin, le futur écrivain, et ce dédoublement permet au public de mieux comprendre que, bien avant 1831, date de parution de Rose et Blanche (premier roman écrit à quatre mains avec Sandeau et dont le cadre est justement ce sud-ouest, lieu de sa grande aventure romantique avec le bel Aurélien), George est en gestation dans Aurore. Ces comédiennes, Léa Pelletan et Marion Mirebeau sont remarquables. Elles investissent la scène – et la salle, dans laquelle elles font des incursions qui les rapprochent des spectateurs – avec une grande maestria et beaucoup de conviction. C’est Marion Mirebeau, incarnant magistralement quant à elle une George sûre d’elle et capable d’un regard ironique sur elle-même, qui est responsable du choix des textes et de la mise en scène . Je tiens à préciser qu’elle a écrit et mis en scène le roman dialogué de George Sand, Gabrielle, adaptation plus concentrée que celle que Gilles Gleizes avait faite précédemment. Marion Mirebeau n’a conservé que les scènes intimes en sacrifiant judicieusement tout ce qui relève d’un récit de cape et d’épée, qui passe difficilement sur les planches. La pièce y gagne en intensité. Je n’ai hélas pas eu la chance de la voir jouée mais j’aimerais beaucoup qu’elle le soit à la Châtre. Pour l’instant cela n’a pas encore été possible mais peut-être aurons-nous une opportunité permettant de voir dans notre région le travail de cette remarquable professionnelle.

Pour en terminer avec le spectacle auquel j’ai assisté à Malagar, dans un cadre prestigieux et original : un ancien chais de l’exploitation vinicole transformé en salle de spectacle et d’exposition, je dois ajouter que les musiques de Chopin, interprétées par le pianiste Jean-Philippe Guillo – préludes, valses, mazurkas et nocturnes – accompagnent tout en délicatesse les lettres et le récit, soit en toile de fond sonore, soit en intermèdes permettant à l’esprit de vagabonder et de rêver à ce 19 e siècle si joliment évoqué à travers les premiers textes de celle qui en fut l’une des plus grandes figures.

Fin juillet 2004

Danielle Bahiaoui