Christian Lafaix, notre « ancien » fidèle à l’Amicale, Professeur de Médecine, nous a quittés le 2 décembre 2019. Né le 13 août 1932 dans la « Maison Pointue » de ses grands-parents Jeanne et Louis Lafaix (sabotier), fils d’André Lafaix, Instituteur, il a fait ses études secondaires à partir de 1943 au Collège de La Châtre.
Des « anciens », comme François BERNARD venu de l’est de la France occupée, se souviennent de l’avoir eu comme bon camarade. Après son bac obtenu en 1950, il s’oriente vers des études de médecine à Poitiers, puis à Paris et devient Agrégé, à 33 ans, en 1965 dans la discipline des maladies infectieuses et tropicales, ce qui l’a conduit à Dakar.
Il en a rendu compte dans le discours de Président du banquet de l’Amicale en 2003 et a évoqué le souvenir de Léopold Senghor lors de l’hommage que j’avais organisé en 2002 en ma qualité de Président de l’Alliance des Anciens de la Cité Internationale Universitaire de Paris. Je pense que le témoignage émouvant, lors de ses obsèques, de deux médecins, son cousin Robin et sa cousine Catherine, celle-ci le remerciant de lui « avoir sauvé la vie », reflète très bien la personnalité modeste, simple et d’une haute tenue morale de Christian Lafaix. Remercions la famille de nous avoir permis de reproduire ici la plus grande partie du texte.
Guy Fouchet
Cher Christian,
Nous avons le cœur bien triste aujourd’hui. Tu as tellement compté dans notre vie que nous voulons en témoigner et te remercier.
Nous n’oublions pas que c’est grâce à toi que le Sénégal nous a passionnés dès que nous t’avons entendu en parler à ton retour de Dakar. Tu y as passé des années heureuses en famille : professeur de médecine infectieuse et tropicale, tu as créé un service hospitalo-universitaire, mis en place les premières facultés de médecine d’Afrique de l’ouest, fait de la vaccination, de la prévention et de l’éducation en milieu agro pastoral. Tu as fait évoluer les mentalités et les thérapeutiques, allant même jusqu’à parler le wolof et établir des partenariats toujours existants ente la France et le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali… !
Je n’oublie pas que tu m’as sauvé la vie, à l’âge de 20 ans.
C’est toi qui es venu me chercher à la maternité où Raphaël venait de naître pour m’hospitaliser dans ton service de l’hôpital de VSG, au 6° contagieux. Tu en étais le jeune patron et c’est toi qui as fait le diagnostic et qui m’a soignée pendant de longues semaines en créant autour de moi un cocon de douceur. C’est grâce à toi, qui as fait désinfecter l’ascenseur et le couloir du service, que j’ai enfin pu faire la connaissance de mon fils déjà âgé de 3 semaines.
Je n’oublie pas que c’est toi qui m’a encouragée à reprendre mes études de médecine une fois remise sur pied ! Et que c’est grâce à toi que j’ai vécu une expérience inoubliable de médecine humanitaire, en plein été, au fin fond du Sénégal !
C’est à ce moment que nous avons retissé des liens familiaux (mariages de Florence et Corinne, visites à La Châtre …). Tu parlais de tes parents, de ta famille, de tes enfants et petits-enfants avec beaucoup d’amour et de fierté.
Nous n’oublions pas que tu as été un professeur de médecine infectieuse,
tropicale et interne passionné et passionnant. Tes cours étaient vivants,
structurés, faciles à suivre et à retenir car toujours illustrés
d’anecdotes. Tu étais notre Maitre, avec un grand M et nous te respections sans
te craindre.
Au lit du malade, tu étais d’une grande gentillesse et d’une douceur infinie. La visite se faisait avec respect, empathie, pudeur, simplicité, un sourire permanent au coin des lèvres, sans esbrouffe ni prétention. Quel bel exemple !
Tu nous as appris à examiner les malades et surtout à aimer ça. Tu répétais sans cesse : » la clinique, la clinique ! « .
Tu nous a montré comment écouter, expliquer avec des mots simples et clairs des pathologies parfois très complexes. Jamais tu ne cherchais à mettre un externe ou un interne en difficulté, tu aidais au contraire les timides à s’exprimer.
Ton charme opérait sur tous ceux qui te côtoyaient.
Je n’oublie pas non plus le bazar très organisé de ton bureau où tu étais le seul à trouver, dans les montagnes de papiers empilés du sol aux fenêtres, LA publication ou LE dossier convoité ! Tu effectuais sans cesse des études, publiais des articles dans des revues internationales, faisais passer des thèses, dont les nôtres, écrivais des livres de médecine pour les étudiants …
Malgré tous ces lauriers, ces titres, ces distinctions, tu es toujours resté simple, chaleureux, accessible.
Nous n’oublions pas toutes ces formations post universitaires que tu nous as préparées, bénévolement, pendant des années sur les sujets que nous choisissions. Nous n’oublions pas l’accueil chaleureux que tu nous as toujours réservé, quand jeunes généralistes installés et parfois paumés, nous avions besoin d’un conseil, d’une idée de bilan, d’un diagnostic ou d’ un lit en urgence pour l’un de nos patients.
Tu n’as jamais dénigré cette médecine générale qui était notre passion à nous, et tu as toujours su effacer le fossé qui existait entre hospitalo-centrisme et médecine de ville. Et toujours avec bienveillance, savoir et simplicité, simplicité qui te venait sans doute de tes parents berrichons.
Je n’oublie pas que tu as dû un jour quitter ton service et ton cher hôpital, la mort dans l’âme, pour prendre ta retraite. Mais tu en as décidé autrement ! Tu es devenu médecin dans une maison de retraite médicalisée ! Tu soignais des personnes âgées, mais toi tu ne l’étais toujours pas ! Avec ton savoir sans cesse mis à jour, ta mémoire infaillible, ta gentillesse et ton empathie, tu as continué à exercer ta passion, ta vocation pendant quelques années supplémentaires.
Pour tout cela, nous voulons, du fond du cœur, te dire un grand Merci cher Christian.
Repose en paix !